Le chômage de masse : constat et diagnostic des causes

Le chômage de masse, qui se développe en France depuis plus de 30 ans, est un des principaux facteurs déstabilisant notre pays et son modèle social. Il est donc essentiel d’en analyser les diverses causes, en vue d’envisager de possibles remèdes.

Le chômage dans un pays, par définition, est un déséquilibre entre la demande de travail par sa population active, et le nombre d’emplois offerts par son économie qui est trop faible pour satisfaire cette demande.

Un des premiers facteurs à l’origine historique de la diminution des emplois en France et dans les pays développés est lié à la mondialisation de l’économie. La suppression progressive des barrières douanières, et l’exacerbation d’un modèle économique mondial fondé sur la spécialisation et l’interdépendance des économies, a conduit au développement des délocalisations industrielles vers des pays à bas coût de main d’oeuvre, à commencer par la Chine qui est devenue rapidement la multi-usine du Monde. Ceci s’est accompagné de la désindustrialisation massive des pays développés, dont les secteurs secondaires se sont réduits durant les 3 dernières décennies à une portion mineure de leurs PIB. Les défenseurs de cette mondialisation concurrentielle mettent en avant les effets bénéfiques de celle-ci : développement économique et augmentation du niveau de vie dans les pays émergents, et baisse importante des coûts de production des produits manufacturés, qui permet une diminution des prix pour les consommateurs ce qui augmente leur pouvoir d’achat et démocratise les produits. Ces résultats sont indéniables, même si : 1/ d’une part, il s’avère qu’il y a des « perdants » de la mondialisation libérale, qui sont les classes « moyennes_inférieures » des pays riches ; 2/ d’autre part l’intérêt de principe d’une augmentation de la consommation, et surtout son coût environnemental, mériteraient d’être débattus. Mais cela nous écarterait du propos de cet article, qui est la montée du chômage en France et dans les pays développés. De ce point de vue, il est absolument incontestable que les délocalisations dues à la mondialisation économique ont fortement contribué à la diminution des emplois dans le secteur industriel.

Un autre facteur possible d’augmentation du chômage est une croissance économique trop faible par rapport à un accroissement de la population active. Ce dernier peut provenir d’une vitalité démographique (assez marquée en France par comparaison avec la plupart des pays européens), ainsi que de l’accroissement de l’espérance de vie, et de l’augmentation de l’âge de la retraite qu’il a tendance à induire pour maintenir l’équilibre des systèmes de retraite par répartition. Quant à l’insuffisance relative de la croissance économique (notamment en France), on peut distinguer des causes intrinsèques (manque de dynamisme entrepreneurial, et surtout de capacité d’adaptation des entreprises existantes) et une cause plus extrinsèque : attractivité trop faible par rapport à la concurrence des pays voisins dans l’espace économique européen totalement ouvert. Dans le cas de la France, un élément évident de non-compétitivité est le coût apparent du travail, dû essentiellement au mode de financement de notre protection sociale, qui s’appuie presque uniquement sur les charges salariales et patronales. De plus, la confrontation du taux d’imposition sur les sociétés au dumping fiscal intra-européen pose évidemment problème aussi.

Enfin, une autre cause essentielle et mondiale de la diminution du nombre d’emplois, qui devrait de plus aller en s’accélérant, est la révolution numérique de ce début de 21e siècle. L’informatique et surtout l’internet, rendent déjà non-nécessaire une quantité croissante de travail humain du secteur tertiaire (notamment ventes et banques en-ligne remplaçant les commerces et agences bancaires). Et bientôt l’Intelligence Artificielle et la nouvelle Robotique vont permettre d’automatiser de plus en plus de tâches fastidieuses : par exemple, conduite de camions et taxis qui pourront être assurées par des pilotes automatiques, comme le sont déjà les métros de plus en plus de lignes ; mais aussi robotisation croissante de la chaîne logistique avec la préparation robotisée des colis à expédier pour les ventes en-ligne. Même s’il est compréhensible que ces transformations puissent inquiéter certains, il serait vain de tenter de tenter s’y opposer, comme à tous les progrès technologiques qui ont jalonné l’histoire de l’humanité. Il vaut mieux se réjouir de cette libération croissante des humains de tâches plus ou moins pénibles ou sans grand intérêt. Qui songerait par exemple aujourd’hui à regretter le temps où les femmes étaient obligées de passer de longues heures à faire des lessives à la main avant l’invention des lave-linges ? Il est en revanche indispensable de prendre la mesure des conséquences sociales de ces évolutions qui  ont déjà commencé, et d’y adapter rapidement notre économie et surtout notre société. L’histoire de l’économie a été marquée, en particulier au cours des 2 derniers siècles, par des gains croissants de productivité permis par l’inventivité humaine et les innovations technologiques. Et un des enjeux de ce début de 21e siècle est le partage équitable de ce nouvel accroissement de productivité, tout comme les premières révolutions industrielles ont permis de réduire significativement la durée hebdomadaire de travail, et à tous les citoyens de bénéficier de week-ends, de congés payés, et d’une retraite pour leurs vieux jours.

On voit donc que les causes du chômage de masse dans les pays développés, et en France, sont multiples. Il serait absurde et contre-productif de se focaliser sur une seule d’entre elles, et il faut plutôt tenter d’agir simultanément sur la plupart. Et aussi adapter notre modèle social aux mutations actuelles et à venir, probablement en repensant profondément le rapport de notre société au travail humain.

Fabien Moutarde